Cordoue, ex-capitale du monde

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S’immerger à Cordoue, c’est se plonger instantanément dans un passé glorieux. Que l’on s’imagine un instant un millénaire auparavant. Cordoba rayonne à travers le monde. Un million d’âmes s’y croisent. Un million. Au X ème siècle. Oui oui. On y accourt des quatre coins du monde pour prier au sein de sa mosquée et de ses 600 colonnes, pour consulter l’un des 600 000 ouvrages assemblés dans sa bibliothèque, chercheurs, artistes, penseurs, théologiens, chirurgiens, astronomes dissertent à la cour. Science et foi s’opposent, certes mais débattent, se questionnent, s’interrogent mutuellement. Fait notable : elles le font sans se massacrer. 

 

 

Capitale de la tolérance

 

Juifs, musulmans, chrétiens y cohabitent en paix. Juifs et chrétiens doivent bien s’acquitter d’un impôt supplémentaire mais force est de constater que les croyances des uns enrichissent celles des autres. Commerce, arts, science : Cordoue est alors le centre du monde. Il en sera ainsi pendant trois siècles. Se plonger dans cette époque s’apparente à un songe. Comment ? La cohabitation des confessions est possible ? Comment ? La religion ne rime pas toujours avec l’obscurantisme. Comment ? Une cité musulmane fût un modèle de tolérance, la capitale des savoirs, un lieu de partage et d’ouverture ? Ainsi fut Cordoue.

Même après la prise de la ville par les chrétiens en 1236, Alphonse X « le sage », le roi chrétien ordonna qu’on ne modifie en rien la superbe mosquée qui faisait la fierté de la ville. Des messes s’y donnèrent. Hélas, il fut déposé par les tenants d’une ligne plus dure, contraint de céder le pouvoir à son deuxième fils et la mosquée fut transformée en cathédrale. Elle conserve fort heureusement de nombreuses preuves de son glorieux passé. Si le minaret a été transformé en tour et si un plafond surplombe l’édifice original, ses alcôves, ses arcs et 600 colonnes sont toujours débout.

 

Déambulation historique

 

Trois siècles plus tard, Charles Quint, dernier empereur se revendiquant leader d’une chrétienté unifié regrettera la transformation de l’édifice : « Vous avez détruit ce que l’on ne voyait nulle part pour construire ce que l’on voit partout. ». Aujourd’hui, on l’appelle la Mosquée-Cathédrale bien que les fidèles musulmans n’y aient pas accès pour prier. Le clergé espagnol se contente de l’appeler « cathédrale ». Point.

Si aujourd’hui, la cité a perdu de sa superbe, elle demeure le point de transition entre l’Orient et l’Occident, une terre d’accueil et d’échanges et un formidable musée d’histoire à ciel ouvert. J’insiste, l’Histoire celle avec un grand H. A peine sorti de la mezquita-catedral, on emprunte le Puente Viejo (le Pont Vieux en VF) érigé par les romains qui enjambe le Guadalquivir –fleuve dont le nom sonne comme une formule magique- pour rejoindre la tour de la Calahorra, dernier rempart qui obligea Ferdinand III de Castille à attaquer Cordoue sur des radeaux de fortune. Voilà, à celui qui la traverse, Cordoue offre un millénaire d’Histoire en un petit kilomètre.

 

 

Patios, ruelles et fontaines : havre enchanté

 

Spectatrice du passage des wisigoths, des romains, des chrétiens et des musulmans, Cordoue reste aussi une digne représentante de l’art de vivre andalou. Sa démesure et son hyper-activité ont laissé place au charme d’une ville tranquille aux ruelles pavées, aux édifices d’un blanc éclatant et aux patios ombragées d’où l’on savoure le bruit d’une fontaine, où l’on s’alanguit dans la chaleur moite de l’été. La rudesse du climat andalou impose des plaisirs simples, éphémères mais divins. Coûte que coûte, il semble que les andalous se soient lancés un défi : celui de créer, de donner vie à toute chose comme l’affirmation de la supériorité de la beauté, du plaisir face à l’aridité de leur terre. 

De quoi en faire un lieu de halte enchanté, témoin d’une époque irréelle en ces temps où l’obscurantisme, l’intolérance et le repli sur soi s’expriment partout. De quoi détricoter (une fois de plus) le mythe selon lequel l’Occident est l’acteur principal (sinon unique) de l’humanité.

Que valent nos supermarchés, nos centre-villes H&MisésFootlockerisés face à des souks qui proposaient tous les produits du monde dans un vacarme d’odeurs et de couleurs. Que vaut notre Start-up Nation face à une cité qui réunissait les plus grands savants et les plus grands artistes de son temps ?