Alger, jeune et rebelle

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Curieuse ville d’Alger. On s’attend à découvrir la sœur jumelle de Marseille et on se trouve devant des collines aussi pentues que celles de Rio et des immeubles haussmanniens semblables aux Grand Boulevards parisiens.

Elle dégage un souffle familier et étranger à la fois. Le dépaysement n’y est pas total. Capitale d’un Etat si lié au nôtre, porte de l’Afrique, gardienne d’un désert grand comme quatre fois la France au sous-sol si riche. Bénédiction et malédiction que cet or noir qui sommeille sous le sable brûlant du Sahara. Il aurait du être l’outil de développement de tout un pays, il sera finalement accaparé par quelques-uns.

Économie à sens unique

Alger vue de la Casbah

Capitale millénaire, témoin de la grandeur et de la décadence d’empires qui se pensaient immortels : phéniciens, ottomans ou français.

Inextricablement liée à la France et à l’Europe, l’Algérie -Al Djazeir- a développé avec notre pays une histoire singulière, complexe et douloureuse. A l’image de Notre Dame d’Afrique, l’algéroise et Notre Dame de la Garde, la marseillaise, les deux pays s’épient de loin, étrangers et familiers, condamnés par l’histoire qu’ils se sont forgé à se toiser d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Les blessures sont profondes. Occupation, colonisation, enlèvements, tortures, terreur, l’Hexagone a laissé en Algérie une tâche indélébile. Et pourtant, contrairement à ce que nos élus les plus démagos répètent sur les plateaux télés, l’Algérie est bien plus proche de l’Europe que de l’Orient. « Nous sommes des berbères, pas des orientaux » m’a t-on répété à plusieurs reprises.

Ça vous semble difficile à croire ? Se balader dans les rues d’Alger en offre la preuve la plus éclatante.

L’accueil y est chaleureux, le sourire facile, les échanges toujours instructifs. Chaque taxi, chaque propriétaire de magasin, chaque gérant de kebab ou tenancier de café a son propre avis sur la place de son pays dans le monde et dans l’Histoire. Tous semblent au courant des mécanismes économiques qui régissent leur pays.

Particulièrement affables, il ne faut pas cinq minutes de trajet en taxi pour revenir sur l’indépendance, la qualification de l’Algérie pour la dernière coupe du monde ou les attentats de la décennie noire. Poursuivez quelques minutes encore et vous voilà embarqué dans une controverse théologique ou un débat constitutionnel. On discute à Alger. A tous ceux qui croient l’homme de la rue inculte et analphabète, il se révèle bilingue et instruit. On le disait inhospitalier et bougon, il se trouve accueillant et affable.

Capitale d’un pays cadenassé

La présence policière est impressionnante. A chaque carrefour son barrage policier. On n’y est pas arrêté systématiquement mais les panneaux « Halte » et les herses étendues sur la chaussée, obligeant les automobilistes à ralentir et à éteindre leurs phares, sont partout. « C’est simplement pour nous rappeler qui commande« , m’expliquent des locaux en souriant d’un air entendu. On touche alors du doigt la clef de voûte du régime de Bouteflika.

19 ans qu’il est à la tête de l’état. Son regard vide et fou donne un aperçu de l’aveuglement dont il fait preuve envers l’Algérie. Au nom de l’apaisement du pays -déchiré par dix ans de terrorisme- il a signé l’armistice avec les milices islamistes et a tout misé sur la richesse du sous-sol algérien. Résultats, 20 ans après, le pouvoir et les richesses du pays sont concentrés entre les mains d’une clique, les barbus semblent avoir gagné la bataille culturelle et l’économie souffre terriblement d’un manque de diversité. Tout y est importé : les voitures sont allemandes, les banques françaises, les avions de l’armée, russes et les médicaments américains ou anglais. L’Algérie est rentière. Une rentière bien jeune.

Peuplée à plus de 70% de citoyens âgés de moins de 35 ans, conscients de leur histoire, de leur place sur l’échiquier mondiale, des richesses réelles et des manques de leurs gouvernement, ils semblent attendre leur heure.

A l’heure de rentrer en France, une employée de la douane à l’aéroport Boumeddiene contrôle mon identité. Elle vérifie mon passeport et retourne à sa lecture : l’Art de la Guerre de Sun Tzu. Le combat est en marche.